Le folklore japonais regorge de créatures aussi mystérieuses qu’effrayantes. Est-ce qu’on peut dire que les Yokai, ces êtres surnaturels, sont vraiment d’origine japonaise ? Pourquoi est-ce qu’ils existent ? Quelle est leur place dans le Japon d’aujourd’hui ?
Apprenez-en plus sur les Yokai eux-mêmes mais aussi sur les religions principales du Japon (Shinto et Bouddhisme). Découvrez la culture japonaise sous un nouveau jour, entre l’héritage d’une tradition orale et le respect de la nature. Toutes les questions de cet article forment un extrait du livre ""Qu'est-ce qu'un Yokai ?", afin d'être le plus transparent avec vous sur son contenu.
Cet article a donc pour vocation de vous apporter le plus de réponses possibles et, j’espère, de vous donner envie d'en apprendre plus sur les Yokai grâce à ces livres :
Existent-ils vraiment ? Bonne question ! A chacun de se faire son opinion sur l’existence des Yokai. Par contre, si derrière cette question vous vous demandez « pourquoi les Yokai prennent-ils autant de place dans la culture japonaise ? », alors il y a bien des choses à en dire.
Tout d’abord, parlons du Shintoïsme. Comme toute religion, le Shintoïsme doit se montrer légitime depuis son apparition. Elle certifie le pouvoir de l’empereur et elle pose les premières pierres de l’organisation politique de la société japonaise. Les Kami (divinités) et les Yokai (créatures surnaturelles) participent à l’idée qu’il n’y a qu’un seul univers composé du monde naturel et du monde surnaturel. Autrement dit le monde des hommes et le monde du Shintoïsme sont étroitement liés, ils ne font qu’un.
Ce concept introduire un langage créé par les humains, afin d’établir une communauté autour d’une religion, un courant de pensées et un pouvoir.
Le Shinto se compose de rites, de fêtes, de dieux, de Yokai, d’une morale et de réponses à des questions existentielles (pourquoi la vie, pourquoi la mort, etc.).
Avec le temps, la croyance religieuse se perd mais son influence reste ancrée dans le subconscient des humains. Dans le Shinto, les divinités sont au centre et elles expliquent le monde dans lequel on vit. A noter qu’une divinité n’est ni bonne ni mauvaise ! Même la déesse Amaterasu, grande divinité du Shintoïsme actuel, peut terrifier les Empereurs.
Les Yokai, eux, vivent dans l’ombre de ce monde. Malgré qu’ils soient mystérieux, ils restent tout aussi essentiels que les divinités. C’est d’ailleurs pourquoi ils survivent aux siècles.
Quand une peur apparait et qu’on ne sait pas l’expliquer, ou que la mort survient de manière incompréhensible, alors on trouve une réponse à travers une histoire de Yokai. Cela fait partie de l’instinct humain : nommer un évènement inconnu en le connectant à quelque chose de plus grand que l’Homme. C’est-à-dire le surnaturel.
Le Yokai existe et perdure car il est une réponse à la peur de la mort, ainsi qu’aux phénomènes inexpliqués.
Dans le folklore japonais, il s’agit d’un être extraordinaire doté de pouvoirs mystérieux. Il peut provoquer des phénomènes étranges et inhabituels qui dépassant l'entendement humain.
Il peut ressembler à un fantôme, un démon, un animal, un homme, une boule de feu, un vieil objet, … Il existe énormément de Yokai différents et donc d’histoires différentes.
On dit parfois qu’un dieu (« Kami » en japonais) oublié devient un Yokai. Et inversement parfois.
D’ailleurs, quand un dieu est oublié, on appelle cela un « Kami Sabi ». Sabi vient du mot Sabiru, c’est-à-dire « prendre de l’âge ». Donc si nous devions utiliser ce terme correctement, on pourrait dire qu’un dieu qui prend sa retraite peut devenir un Yokai.
Le terme de Kami Sabi peut aussi être utilisé pour les objets trop vieux pour être encore utiles, pour certains animaux qui acquièrent une spiritualité avec l’âge (renards, chats, chiens viverrins, …) ou encore pour différents spectres.
Globalement, voilà ce qu’est un Yokai !
Selon l’époque, un Yokai peut être considéré comme un dieu ou comme une créature surnaturelle.
On peut aussi dire qu’un Yokai est en fait un dieu oublié, une divinité qu’on ne prie plus. En clair : en tombant dans l’oubli, la divinité japonaise devient un Yokai. On retrouve ce cas avec d’anciennes divinités locales qui n’ont pas été intégrées aux sanctuaires shintoïstes. Parfois une espèce de Yokai peut aussi comprendre quelques individus considérés comme des dieux. C’est le cas de certains Kappa ou Kitsune notamment.
Il y a aussi ce qu’on appelle « le syncrétisme shinto-bouddhiste », courant religieux qui intègre des divinités étrangères dans le culte des divinités shintoïstes. Cela permet de renforcer le pouvoir du Bouddhisme au Japon en légitimant le pouvoir de divinités étrangères. On montre et démontre les similitudes entre les divinités pour dire :
« Vous avez vu ! En fait on a les mêmes dieux ! Alors autant fusionner et ne faire qu’une seule culture. »
De cette manière, les caractéristiques de certains dieux étrangers se sont ajoutées aux Kami et aux « divinités Yokai ». C’est notamment le cas du Kitsune, à la fois messager du dieu du riz Inari (donc Yokai) et divinité à la place d’Inari (donc Kami, en Japonais).
Pour résumer, on ne peut dire que Yokai = divinité = Shintoïsme, mais plutôt que selon les époques et la nature d’une créature, celle-ci peut autant être une divinité ou un Yokai. Un Yurei, c’est-à-dire un fantôme japonais, est un Yokai sans être une divinité par exemple.
A partir de l’époque Heian, les Tengu sont apparus au Japon. Bien que leur nom désigne plutôt un « chien céleste », le Tengu était plutôt ce qu’on appelle aujourd’hui un Karasu Tengu. C’est-à-dire un Tengu corbeau. On dit qu’il a le corps d’un homme, des pattes d’oiseau à la place des mains et des pieds, ainsi qu’une tête d’oiseau.
L’histoire raconte qu’un grand Tengu serait venu de Chine sous la forme d’une étoile filante et qu’il aurait instruit le Tengu japonais pour qu’il soit aussi puissant que lui.
Le Tengu est alors devenu une créature qui hante et qui corrompt les moines, un Yokai que seul un grand prêtre bouddhiste pourrait faire fuir.
Un bouddhiste attend la mort pour atteindre le Nirvana, mais s’il entache son âme de péchés divers alors il est voué à se réincarner jusqu’à ce qu’il soit enfin pur. Le Tengu, lui, est le symbole de l’arrogance et de la corruption pour les bouddhistes. Il est donc la plus grande peur du bouddhiste vertueux.
On dit qu’il s’agit d’une créature appelée Gagoze. Elle serait apparue lors de l’époque Asuka (592 – 710), dans la préfecture de Nara, ou bien peu après sous l’empereur Bidatsu.
On raconte qu’un paysan a été surpris par la foudre et que Raijin, l’esprit de la foudre, est descendu sur terre sous la forme d’un enfant.
Le paysan, effrayé par ce qu’il venait de voir, s’empressa de l’attaquer mais Raijin l’implora de lui laisser la vie sauve. En échange, Raijin ferait en sorte que le paysan ait un enfant aussi puissant que lui. Le paysan accepta, puis il fabriqua une barque en bois pour que Raijin puisse retourner dans les cieux.
Peu de temps après, la femme du paysan accoucha d’un petit garçon très étrange : il avait une apparence anormale, avec des serpents autour de la tête et une queue suspendue à l'arrière de son crâne. Comme l’avait dit Raijin, cet enfant avait une force incroyable. A l'âge de 10 ans il pouvait se vanter d’avoir gagné face à un célèbre prince de la famille royale, dans un concours de force.
L’enfant est devenu un personnage clé du temple Gangō-ji, après être devenu un apprenti prêtre.
Dès son arrivée dans le temple, d’horribles meurtres avaient lieu et le garçon avait bien l’intention d’arrêter le tueur. Une nuit, il fit face au démon et il l’attrapa par les cheveux ! Il le secoua si fort que toute la chevelure du monstre s’arracha de son crâne. Le Yokai s’est alors enfui et le jeune garçon l’a poursuivi. Il s’arrêta devant une tombe, celle d’un ancien serviteur du temple reconnu pour sa paresse légendaire. En réalité, le serviteur était devenu un horrible fantôme et seul un puissant héros pouvait le faire fuir.
La chevelure de Gagoze, le démon fantôme, est encore aujourd’hui dans le sanctuaire japonais. Elle est considérée comme un trésor du lieu sacré. Quant au garçon, lui, il est devenu un grand prêtre puis le protecteur du temple.
Cette histoire raconte comment est arrivé le premier Yokai, de manière officielle, cependant n’oublions pas que les « divinités oubliées » étaient présentes avant cela. Donc nous pouvons dire qu’il s’agit bien de la première « histoire écrite » de Yokai, par contre il est fort probable que les créatures surnaturelles soient présentes depuis bien plus longtemps dans le folklore japonais.
Les Tsukumogami sont des objets qui sont vieux d’au moins 99 ans. Nous avons parlé des « dieux oubliés », cette catégorie de Yokai provenant de cultes anciens délaissés avec le temps. Les Tsukumogami peuvent être considérés comme des Kami Sabi (dieux oubliés) car il s’agit d’objets devenus inutiles tout en ayant développé un pouvoir spirituel. Qu’ils trainent chez quelqu’un ou qu’ils soient abandonnés, les Tsukumogami se voient dotés d’un esprit surnaturel.
La plupart des dieux sont plus grands que les Tsukumogami mais ceux-ci (même jeunes) dépasse la taille d’un humain.
Si l’objet oublié est attaché pendant longtemps dans une maison, alors il en devient son gardien. Il est capable d’apparaitre parfois sous la forme d’une vieille dame ou d’un vieil homme.
On dit que se débarrasser d’un outil ancien provoque une catastrophe ou un malheur chez son propriétaire.
Quand un objet devient un Yokai, c’est qu’on reconnait son histoire et sa valeur. Il vaut donc mieux apprendre à réutiliser un objet, qui cache parfois une tradition oubliée, plutôt que de le jeter comme s’il n’avait jamais eu de valeur.
Cet article a été rédigé par Kévin TEMBOURET le 17/01/2021 et il s'agit d'un contenu original, tiré du livre "Qu'est-ce qu'un Yokai ?". Merci de respecter le travail réalisé et les droits d'auteur. Si vous souhaitez utiliser en partie le contenu de cet article, vous pouvez obtenir une autorisation en me contactant directement et en faisant un lien vers cette page depuis votre publication.