L'histoire du train au Japon

Le train est apparu au Japon grâce à l'influence indirecte de l'Occident et par d'heureux hasards. Selon l’historien des chemins de fer Harada Katsumasa (原田勝正), le shogunat d’Edo (gouvernement militaire de la période Edo) a obtenu des informations sur les affaires internationales par l’intermédiaire des Pays-Bas. Ces informations comprenaient de nombreux éléments sur la construction de chemins de fer dans les pays occidentaux. Il existait également des écrits hollandais expliquant les principes et la structure des locomotives à vapeur, que le Japon pouvait se fournir assez facilement. Ce qui signifie que, bien que limités à un très petit groupe de personnes bien informées, les Japonais ont été très tôt conscients que le monde des transports évoluait.
Le premier Japonais à avoir emprunté les chemins de fer serait « John Manjiro » (ジョン万次郎 - De son vrai nom Nakahama Manjiro 中浜万次郎), un simple pêcheur de la province de Tosa. On dit que son bateau s’est perdu en mer, puis que ses amis et lui se sont échoués sur une île déserte. Il a été secouru par un baleinier américain et il a étudié en Amérique dans les années 1840. À son retour au Japon, en 1851, il a informé le clan Satsuma de l’existence du Reiroo (« Railroad » en phonétique japonaise, chemin de fer - レイロヲ) à vapeur. Mais revenons-en à notre histoire ...


Sommaire :


Comment le train est-il apparu au Japon durant l'ère Meiji ?

En novembre 1869, le gouvernement a lancé son premier programme de construction ferroviaire en construisant quatre lignes de chemin de fer :

Le nouveau gouvernement devait d’urgence mettre en place un système de transport moderne pour étendre sa politique dans tout le pays, renforcer sa puissance militaire et encourager l’industrie moderne. L’idée étant de promouvoir une politique militaire, industrielle et le développement civilisationnel.
Toutefois, les fonds gouvernementaux étant insuffisants à cette époque. Le pays sortait à peine de la période Edo (1603 - 1868), marquée par les conflits des shogun (chefs militaires). Pour ne pas rester dans cette situation, le Japon a été contraint de commencer la construction du chemin de fer en s’approvisionnant en fonds, en matériaux et en ingénieurs tout droit venus du Royaume-Uni. De la même manière que chez les Britanniques lors de l’expansion des chemins de fer, le gouvernement de l’époque a fait face à de nombreuses difficultés : opposition des résidents locaux le long des lignes, résistance dans plusieurs comtés, blocages des travaux par des propriétaires de chevaux (moyen de déplacement de l’époque), etc. Les travaux se sont finalement achevés en septembre 1872, 47 ans après le premier chemin de fer britannique, entre Shinbashi et Yokohama.  
Parallèlement à l’ouverture de la nouvelle ligne, le Règlement des chemins de fer (en février de la même année) et les Règles de pénalisation des infractions ferroviaires (apparues en mai) ont été promulgués en tant que règlements de base concernant les activités ferroviaires, tout comme les conditions de transport et les règles de maintien de l’ordre dans les locaux des chemins de fer. Cependant, en raison des problèmes financiers causés par la guerre civile et d’autres troubles dans le pays, la construction s’est vue fortement ralentir après l’ouverture de la ligne suivante (entre Kyōto et Kōbe). De plus, l’armée était d’avis que la construction de toute voie ferrée devait se faire loin du littoral pour des questions de défense nationale : si une puissante flotte ennemie prenait le contrôle des mers le long de la côte et parcourait librement les eaux au large du Japon, les voies ferrées proches seraient facilement détruites ou exploitées.
Au début des années 1880, l’ancêtre de la Japan Railway Company (JR) a été créée pour construire le premier chemin de fer privé du Japon, entre Ueno et Aomori. À l’époque, le gouvernement se trouvait dans une situation financière encore plus délicate. Pour soutenir ce projet, des compromis ont été trouvés avec les dirigeants de la société. Le gouvernement en place devait fournir une protection et une assistance extrêmement généreuses sous la forme d’expropriation de terrains, de travaux de construction pour le compte de la société et d’une garantie de distribution d’un certain montant des bénéfices. En échange, la compagnie a été obligée de proposer des tarifs moitié prix aux fonctionnaires et au personnel militaire, une utilisation gratuite de ses services par le gouvernement en cas d’urgence et la réservation du droit d’achat du gouvernement après 50 ans.
Ce pari sur l’avenir fut rentabilisé dès l’année suivante, avec un bénéfice d’exploitation qui s’élevait à plus de 10% du coût de construction. S’en suit la construction de près de 50 compagnies ferroviaires privées dans tout le pays, du nord au sud. Le transport urbain se développe un peu plus tard, avec l’arrivée du métro à Tōkyō puis à Kyōto.
Contrairement aux trains à vapeur, qui ont finalement été introduits au Japon assez tardivement après leur commercialisation au Royaume-Uni, les trains électriques ont été adoptés presque aussitôt qu’ils ont été construits en Europe et aux États-Unis. Le secteur des chemins de fer s’est développé de manière remarquable avec les progrès de l’industrie électrique, après la guerre russo-japonaise et à la fin de l’ère Meiji.
Le rôle des trains au cours de cette période a été particulièrement important, dans la mesure où ils ont permis les déplacements des paysans et ceux de la classe guerrière déchue, tout en facilitant l’emploi de la main-d’œuvre nécessaire à l’industrie moderne.
Depuis l’époque de la première guerre sino-japonaise (1894 - 1895), les militaires préconisent la nationalisation des chemins de fer et l’unification du réseau ferroviaire. Cela en vue d’augmenter la capacité de transport militaire, évidemment. En parallèle, le développement de ce même réseau devenait pressant pour élargir le marché intérieur à mesure que la révolution industrielle progressait. Il a fallu attendre la récession des années 1900 pour que l’État achète des chemins de fer privés, dont les conditions d’exploitation étaient médiocres. Grâce à cela, le système ferroviaire devint mieux organisé, moins cher et technologiquement plus développé.

Quelles ont été les avancées technologiques des trains durant la période Taishō ?

La Première Guerre mondiale a entraîné un développement spectaculaire de l’économie japonaise, ainsi qu’une augmentation du poids des industries lourdes et chimiques. Dans ces circonstances, les trains s’en sont évidemment mieux portés. Tout un réseau de lignes secondaires fut instauré pour le développement local, reliant les grandes lignes aux principales. On en comptait au total 149 nouvelles.
La création du ministère des chemins de fer était alors nécessaire pour gérer le grand nombre de projets ferroviaires des villes et des campagnes. Un système d’administration des chemins de fer complet et efficace pouvait enfin voir le jour.
Au cours de cette période, la technologie des chemins de fer eux-mêmes a également progressé de manière significative et a atteint les normes internationales. Tout le parc de locomotion a été transformé suite à la production de locomotives électriques dans le pays, propulsant de nouvelles avancées technologies : véhicules à trois jeux de roues motrices (le train JNR Class C51) bien plus rapides, adoption des freins à air pour tous les wagons nationaux, remplacement des attelages automatiques, programme d’électrification des grandes lignes, …
La vitesse des trains, au même titre que la capacité de transport des grandes lignes ferroviaires, fut augmentée. Une signalisation plus élaborée fut adoptée pour que la sécurité des voyageurs (et celle des marchandises) soit assurée. Le paysage fut une nouvelle fois transformé avec l’apparition de longs tunnels et de ponts ferroviaires.

Comment les trains ont-ils évolués lors de la période Shōwa ?

La période Taishō laisse place à un nouveau développement économique ancré dans l’Histoire mondiale, offrant une place particulière au domaine ferroviaire.
À la fin de 1933, la plupart des lignes principales du pays étaient en place et on comptait 9982 km de voies ferrées. En 1936, trois ans plus tard … Ce ne sont pas moins de 17400 km ! Mais comme nous le verrons dans les prochaines pages, ce n’est pas sans embuche.
Parallèlement, diverses améliorations ont été apportées pour accroître la capacité de transport sur les lignes existantes : amélioration des services, extension des lignes, agrandissement des dépôts, augmentation de la vitesse, etc.
Un peu plus tôt, en 1926, le premier train super-express a été mis en service en proposant des arrêts spécifiques (Tōkyō, Yokohama, Nagoya, Kyōto et Kōbe) pour relier Tōkyō à Kōbe en neuf heures. Soit environ 20% de temps gagné comparé à avant. Les trains se dotent de sièges rotatifs (que les employés tournent en bout de ligne. On peut encore voir cela dans différents trains japonais !), de compartiments et de la climatisation. Tout cela a permis la popularisation des trains-couchettes et l’arrivée de nouveaux itinéraires.
En ville et en banlieue, face à la croissance rapide de la population dans les zones périurbaines, la capacité de transport a été augmentée. Le nombre de passagers transportés sur les sections suburbaines des chemins de fer nationaux de Tōkyō et d’Ōsaka a augmenté de 50% en huit ans.
Concernant les entreprises, de nombreux opérateurs ont développé et électrifié des lignes de chemin de fer en exploitant également des entreprises de distribution d’énergie, qui commençaient à peine à émerger.
En outre, pour répondre à la demande de transport à Tōkyō, la première ligne de métro du Japon a été ouverte entre Asakusa et Ueno en décembre 1927. Cette ligne, la Ginza-sen (鉄銀座線), est aujourd’hui bien plus longue qu’à l’époque (qui rejoint à présent Shibuya à Asakusa).

Néanmoins, comme nous l’avons dit, tout cela ne s’est pas fait sans embuche après la Première Guerre mondiale : récession, tremblement de terre du Kantō, dépression financière et la Grande Dépression. Le nombre de marchandises et de passagers a diminué en raison des faillites d’entreprises, de la réduction de la production et de l’augmentation du chômage. La concurrence entre les entreprises de transport s’est alors intensifiée, dans un contexte de plus en plus difficile du fait que l’automobile se développait grandement. Bien des éléments de l'Histoire que ne pouvons traiter dans un seul article. Pour éviter de trop condenser cette partie, qui a grandement influencé la destinée des trains japonais jusqu'à notre époque, vous trouverez la suite de cet écrit directement dans mon livre Voyager en train au Japon: Histoire des trains japonais et tourisme ferroviaire au pays du Soleil levant.


Cet article a été rédigé par Kévin TEMBOURET le 11/07/2023 et il s'agit d'un contenu original, tiré du livre "Voyager en train au Japon: Histoire des trains japonais et tourisme ferroviaire au pays du Soleil levant". Merci de respecter le travail réalisé et les droits d'auteur. Si vous souhaitez utiliser en partie le contenu de cet article, vous pouvez obtenir une autorisation en me contactant directement et en faisant un lien vers cette page depuis votre publication.